Le Paris criminel, glauque et morbide
Bonjour à toutes et à tous,
Comme prévu dans le calendrier de nos sorties parisiennes, nous nous retrouverons le 8 mars pour parcourir Le Paris criminel, glauque et morbide du Louvre au Marais.
Le long du parcours, il ne reste hélas que peu de traces de tout ce qui s'y est passé, ce sera donc pour l'essentiel une balade dans les rues de Paris, d'une durée de 2h30
à peu près.
Pour le repas, le mieux est de réserver à La Fresque (il faut peu de temps pour rejoindre Beaubourg), où nous sommes accueillis dans un espace très agréable et où le rapport qualité/prix est apprécié de nous
tous. (nos amis Isabelle et Jean en principe se proposent de faire la réservation)
Merci de bien vouloir dire si vous serez présent pour la balade et si vous participerez au déjeuner.
Vous trouverez ci-joint quelques infos sur les rues parcourues et les évènements qui y sont liés.
Bises amicales à toutes et à tous.
Danièle et Georges
Photo ==> 
Le Paris criminel, glauque et morbide : du Louvre au Marais
8 mars 2014
Départ : métro « Louvre »
3 km – 2heures
Rue de l’Arbre sec : le carrefour des rues Saint-Honoré et de l’Arbre-Sec fut longtemps appelé la place de la Croix-du-Trahoir. Celle-ci fut un lieu patibulaire jusqu’en 1737. On y coupait plus spécialement les oreilles des serviteurs indélicats. Une potence (l’arbre sec) et la roue y furent longtemps dressées. Bien sûr, des potences s’élevaient dans tous les quartiers de la ville, porteuses presque chaque jour de belles grappes de pendus ! Mais ici, à proximité du grand marché, on trouvait une de ces croix qui côtoient les potences et dont les degrés étaient loués comme étals à des bouchers et des marchands de légumes ! Rue de l’Arbre-Sec au carrefour de la rue Saint-Honoré ; le rond pavé se trouve probablement à l'endroit même ou se dressait autrefois la potence de justice.
Impasse des Bourdonnais : on y procédait à des exécutions de sorcières et de faux-monnayeurs (avant appelée Impasse de la Fosse aux chiens).
Rue Courtalon : Dans une maison de la rue Courtalon s’est déroulée une étrange affaire. Dans le courant de l’année 1684, 26 jeunes disparurent. Les bruits coururent qu’une princesse avait besoin de prendre des bains de sang humain pour soigner une maladie incurable. Finalement, la police arrêté une bande de malfaiteurs. Parmi ceux-ci, une jeune femme se faisait passer pour la fille d’un prince polonais. Par sa grande beauté, elle attirait les jeunes hommes dans une demeure de la rue Courtalon et là, des complices les assassinaient. Desséchées et embaumées, les têtes étaient emmenées en Allemagne pour servir à des recherches phrénologiques. Afin que rien ne se perde, les corps étaient vendus à des étudiants en médecine. La fausse princesse et ses complices furent jugés et pendus.
Rue de la Ferronnerie : d’abord appelée rue de la Charronnerie, elle tient son nom d’une autorisation donnée par Saint-Louis aux ferrons (marchands de fer) de dresser leurs éventaires près du charnier des Innocents. Cette activité attira des boutiques puis de nouvelles constructions qui rendirent la rue très étroite ; c’est l’effervescence et l’étroitesse de la rue qui facilitèrent la tâche de Ravaillac. Le 14 mai 1610, vers 16 heures, Henri IV quitta le Louvre pour se rendre à l’Arsenal voir Sully qui était souffrant. On traversa sans trop de mal la rue Saint-Honoré et la rue de la Croix-du-Trahoir, mais en arrivant rue de la Ferronnerie, son carrosse fut stoppé devant les échoppes par un chariot de vin et une charrette de foin. Les valets et l’escorte royale, afin de gagner du temps, coupèrent par le cimetière des Innocents, pour attendre le cortège dans la rue Saint-Denis. C’est de ce moment que profité Ravaillac, posté près de la boutique du Cœur couronné d’une flèche à la hauteur du n°11. Il monta sur une borne puis sur une roue de carrosse et frappa le roi de trois coups d’un couteau qu’il avait dérobé à l’Auberge des Trois-Pigeons, en face de l’église Saint-Roch. Ravaillac fut écartelé en place de Grève. Ce n’est qu’en 1669 qu’un édit royal ordonna de démolir « les petites maisons, boutiques et échoppes qui dont adossées contre les murs du charnier et de porter la largeur de la rue à 30 pieds ». Le directeur des musées à Saint-Denis, Lenoir, raconta à Alexandre Dumas que, pendant la Révolution, le corps de Henri IV, toujours intact, fut exhumé de la basilique de Saint-Denis et giflé par un travailleur ; hanté par le fantôme du roi qu’il ne cessa de voir la nuit, il délira et mourut trois jours après.
1 arrt
Rue de la Ferronnerie
Situation
Plaque marquant le lieu de l'assassinat d'Henri IV
Un des immeubles d'habitation anciens les plus longs de Paris est le 2-4-6-8-10-12-14 rue de la Ferronnerie[2], construit entre 1669 et 1678.
Le n°8
no 10 : En face de ce numéro fut localisé le lieu de l'attentat contre Henri IV dont l'événement est commémoré par une plaque[3].
Rue des Innocents – Le cimetière des Saints-Innocents : la vieille règle romaine d’inhumer les morts à l’extérieur des villes et de dresser des tombeaux en bordure des grandes voies d’accès à celles-ci étant encore en usage au Xème siècle, c’est le long du chemin qui conduisait à Saint-Denis que l’on a ouvert à cette époque hors de Paris, le grand cimetière qui devenait nécessaire à l’agglomération parisienne. Son importance fut considérable, puisqu’il fut le cimetière de toutes les paroisses de Paris qui n’en comptaient pas (soit près de 22 églises) et, pendant longtemps, avant qu’ils ne soient inhumés au cimetière de Clamart, celui des morts de l’Hôtel-Dieu, celui des pestiférés (50 000 décès en 5 semaines en 1418), celui des inconnus de la morgue et des personnes trouvées mortes sur la voie publique (pour ces deux dernières catégories, il y avait une plate-bande à part, non bénite, parallèle à la rue de la Lingerie). Les inhumations avaient lieu dans une vaste fosse commune pouvant contenir 1 500 corps superposés ; lorsqu’elle était pleine, on en creusait une autre à côté. Une légende voulait que la terre de ce cimetière « soit excellente et mange son cadavre en 9 jours » ; aussi des évêques, inhumés eux dans les églises, demandèrent-ils qu’on mette dans leur cercueil un peu de terre du cimetière des Innocents.
Rue Aubry-le-Boucher : dans cette rue s’est déroulée une affaire qui illustre les aléas de la justice à une époque pourtant toute proche. Liabeuf était recherché pour proxénétisme (il était alors officiellement ouvrier cordonnier). Mais il résiste à la police qui tentait de l’appréhender dans cette rue, tout en ne cessant de clamer son innocence. Un policier est tué et six autres blessés. Aux assises, il affirme qu’il n’était pas souteneur et déclare même préférer la guillotine (qu’on réserve aux assassins) plutôt qu’une condamnation pour proxénétisme qu’il trouvait ignoble. Il sera guillotiné le 30 juin 1910. Une autre anecdote, médiévale celle-là : traversant un jour la rue Aubry, le Cardinal Eusèbe croise un condamné à mort en route vers son lieu d’exécution. Une coutume voulait que, lorsqu’une telle rencontre était fortuite, la grâce puisse être accordée au criminel. Ce fut le cas et le cabaret au coin de la rue Saint-Martin, pour honorer cette générosité, s’orna d’un chapeau de cardinal… qui ne disparut qu’en 1910 !
Dans Les Misérables, Gavroche tombe d’ailleurs à l’angle de la rue Saint-Martin et rue Aubry-le-Boucher en chantant : « C’est la faut à Voltaire.. c’est la faute à Rousseau ».
Rue Quincampoix : Il s’en passa des choses dans cette rue mais, pour mieux encore s’imprégner de l’ambiance de ces quartiers, il faut peut-être rappeler la configuration des rues du Paris médiéval. Souvent jusqu’à la moitié du XIXème siècle, ces quartiers n’étaient qu’un entrelacs de ruelles sombres, boueuses, sans trottoirs ni pavés. Noires d’ordures et suintantes d’humidité, elles avaient l’aspect de basses-cours : toutes les bêtes de la ferme s’y donnaient rendez-vous en toute liberté. Ces caractéristiques donnaient lieu à des noms de rues bien évocateurs. Dans un registre fleuri et truculent, on pouvait trouver la rue brenneuse (pleine de boue), l’orde-rue (parsemée d’ordures), les carrefours du Trou-punais, du Pet-au-diable, de la Fosse-aux-Chiens et autres charmants qualificatifs. On comprendra que ces rues aient été débaptisées depuis.
Le cabaret de l’Épée de Bois : 54, rue Quincampoix. l’Épée de Bois reste lié au meurtre de Lacroix perpétré par le comte de Horn. La victime s’était enrichie dans les manipulations financières en rapport avec le « système » de Law. Le scandale fut considérable en raison de la personnalité du comte Antoine de Horn, frère d’un prince allemand et surtout parent du régent Philippe d’Orléans qui gouvernait la France. Vendredi Saint, le 20 mars 1720 : de Horn, accompagné d’un gentilhomme piémontais dénommé Demiles, y rencontrèrent Lacroix soi-disant pour parler affaires. Les trois hommes s’installèrent au 1er étage tandis que quelqu’un faisait le guet dans la rue. Horn et Demiles tuèrent Lacroix. Un valet alerta la garde qui les arrêta. Des nobles tentèrent d’influencer Philippe d’Orléans quant au jugement. Ce dernier répondit : « Quand j’ai du mauvais sang, je me le fais tirer ». Ils furent roués le 26 mars 1720 en Place de Grève.
Rue Beaubourg : auparavant appelée rue Transnonnain, inscription encore gravée au n°79 (Trousse-nonnain) puis Trace-putain pour décrire certaines activités du quartier. Le 13 avril 1834 : journée insurrectionnelle et massacre. D’une fenêtre, un insurgé tue un soldat blessé qu’on emmenait sur une civière. Les habitants de cette maison furent tous tués étage par étage.
Impasse des arbalétriers : pavés disjoints, bornes, encorbellements… tous les attributs (ou presque) de la rue médiévale sont réunis dans la pittoresque impasse des Arbalétriers. Il s’agit de l’ancienne entrée secondaire de l’hôtel Barbette, aujourd’hui disparu, qui était la résidence de la reine Isabeau de Bavière au début du XIVème siècle. L’impasse (il s’agissait alors d’une allée) menait à un champ où s’entraînaient les arbalétriers. Les historiens pensent que c’est en ce lieu précis, le 23 novembre 1407, que Louis d’Orléans, frère du roi Charles VI et grand rival de Jean sans Peur, duc de Bourgogne, fut assassiné sur les ordres de Jean, alors qu’il s’en retournait d’une visite à la reine Isabeau de Bavière. L’impasse mène à une vaste cour elle-même reliée à la rue Vieille-du-Temple.
Place des Vosges : elle se situe à l’emplacement du magnifique palais des Tournelles, résidence royale bâtie en 1388. C’est en 1559, à l’occasion du mariage d’Élisabeth de France avec Philippe II d’Espagne que le roi Henri II est blessé mortellement. De grandes fêtes sont organisées à Paris à la fin du mois de juin 1559 et un tournoi a lieu à proximité du Palais où Henri participe aux joutes portant les couleurs de sa maîtresse –Diane de Poitiers- qui est assise à côté de la reine Catherine de Médicis. Le capitaine des gardes écossais, Montgomery, a le malheur de blesser mortellement Henri : sa lance entre dans son œil et malgré des expériences faites par des médecins sur les crânes des condamnés décapités sur le champ pour la circonstance, le roi meurt le 10 juillet 1559 à l’hôtel des Tournelles après 10 jours d’agonie. Montgomery est enfermé puis libéré et il se réfugie en Angleterre, revenant en France aux côtés des Huguenots ; capturé sur les ordres de Catherine de Médicis, il est décapité en place de Grève en 1574. Catherine de Médicis fera détruire le palais des Tournelles en 1663. C’est Henri IV qui décide de créer la Place Royale, dont il ne verra pas l’inauguration en 1612, ayant été assassiné deux ans plus tôt. Comme ironisa Victor Hugo : « C’est le coup de lance de Montgomery qui créa la place des Vosges ». Elle reçut son nom actuel en 1800 en hommage au premier département à avoir payé ses impôts en totalité.
Rue Charles V, n°12 : hôtel de la marquise de Brinvilliers, dit aussi hôtel d’Aubray. Cet hôtel, construit en 1620, fut habité par la célèbre empoisonneuse Marie-Madeleine de Dreux d’Aubray, après qu’elle eut épousé, à 21 ans, en 1651, Antoine Gobelin, marquis de Brinvilliers, militaire de son état. Marie-Madeleine avait reçu une bonne éducation et une bonne instruction, mais elle n’eut jamais une bonne moralité ; elle nous a appris elle-même qu’elle avait été « dévergondée » à 7 ans. En 1659, elle devint la maîtresse du chevalier Godin, dit de Sainte-Croix, qui l’initia à la confection des poisons. Dame de charité ayant ses entrées à l’Hôtel-Dieu, elle expérimenta sur les malades différents dosages du poison étudié par Godin, soit un mélange de venin de crapaud, d’arsenic et de vitriol. Le dosage trouvé, elle empoisonna son père en 1666 mais dut recommencer dix fois avant de réussir. En 1670, elle empoisonna son frère aîné et presque sa belle-sœur puis sept mois plus tard, son frère cadet ; elle tenta aussi, mais vainement, d’empoisonner son mari car Godin, craignant d’être obligé d’épouser la marquise si elle devenait veuve, désempoisonnait le marquis à chaque tentative de sa femme. En juillet 1772, Godin de Sainte-Croix mourut subitement –et naturellement. La marquise, aussitôt informée, voulut retirer du domicile de son amant une certaine cassette. Son insistance la rendit suspecte, aussi s’enfuit-elle vite à l’étranger. La police ouvrit la cassette le 18 août et y trouva 34 lettres de la marquise traitant de ses crimes, 27 recettes intitulées « secrets curieux » et de nombreux échantillons de poisons divers. Colbert demanda à l’Angleterre son extradition. Prévenue à temps, elle se réfugia aux Pays-Bas dans un couvent où un habile agent du lieutenant de police de la Reynie, nommé Desgrais, réussit à s’emparer d’elle au printemps de 1676. Ramenée à Paris, elle fut condamnée, en sus de la question ordinaire et extraordinaire, à faire amende honorable devant Notre-Dame, nu pieds, la corde au cou, une torche ardente à la main, à être décapitée en Grève, son corps devant ensuite être brûlé et les cendres jetées au vent. Le jour de son exécution, il y eut tant de monde place de Grève, que les théâtres ne jouèrent point. La marquise de Brinvilliers laissa des adeptes. Dès 1667, les empoisonnements se multiplièrent au point que le roi dut sévir et créer, à l’Arsenal, en janvier 1680, une « chambre ardente » chargée de juger les empoisonneurs. De ceux-ci, la veuve Monvoisin, dite la Voisin, fut la plus célèbre. Ancienne sage-femme, avorteuse, cartomancienne, elle commença par vendre des secrets pour conserver la jeunesse et gagner au jeu, puis des philtres d’amour et, enfin, ce qu’on appelait la « poudre de succession ». Arrêtée et torturée, elle accusa tant de personnes de la Cour d‘être en correspondance avec elle, qu’on coupa court à ses accusations en la condamnant à être brûlée vive. L’affaire des poisons entraîna 442 arrestations. De celles-ci, 218 furent maintenues et se terminèrent par 36 exécutions, 5 envois aux galères et 23 bannissements.
Fin de la balade.
Retour par les métros Saint-Paul, Bastille ou Sully-Morland.