Le 18 mars 1871, une émeute éclate à Paris, sur la
butte Montmartre. Adolphe Thers (73 ans), chef du
gouvernement provisoire de la République, renonce à la réprimer et s'enfuit à
Versailles avec tous les corps constitués.
C'est l'amorce de la «Commune». Maîtres malgré eux de la capitale,
les révolutionnaires et militants socialistes vont offrir à la bourgeoisie
républicaine l'occasion de se débarrasser une fois pour toutes de la
«question sociale». Il en coûtera 20.000 victimes.

Provocations
À l'automne précédent, après avoir capturé l'empereur
Napoléon III et son armée à Sedan, les Prussiens ont
assiégé la capitale et le gouvernement de la Défense
Nationale, qui s'est entre-temps réfugié à Bordeaux, s'est résigné à signer
un armistice.
Les vainqueurs se voient accorder le droit de défiler le 1er mars 1871 à
Paris, dans une capitale en deuil, devant des statues recouvertes d'un voile
noir. Les Parisiens ruminent leur humiliation. Après avoir soutenu un siège très
pénible, ils se sentent trahis par leurs gouvernants.
L'Assemblée nouvellement élue et où dominent les monarchistes attise les
tensions. Après l'arrêt des combats contre les Prussiens, elle renonce à revenir
à Paris et quitte Bordeaux pour... Versailles, la ville royale !
Dès le lendemain, parmi ses premières mesures, le gouvernement lève sans
préavis le moratoire sur le remboursement des effets de commerce et des loyers
qui avait été instauré au début de la guerre. Il supprime aussi l'indemnité due
à la garde nationale (30 sous par jour). Or, à Paris, la garde nationale
rassemble pas moins de 180.000 hommes issus de la petite bourgeoisie et du monde
ouvrier qui se sont portés volontaires pour défendre la capitale contre l'ennemi
et se sont habitués à vivre sous les armes.
L'atmosphère s'échauffe. Thiers décide de récupérer 227 canons financés par
les Parisiens en vue de la défense de la capitale. La garde nationale les a
disposés sur les buttes de Montmartre et de Belleville pour les mettre hors
d'atteinte des Prussiens lors de leur entrée dans la capitale.
Le samedi 18 mars, Thiers envoie une colonne de 4.000 soldats avec l'ordre de
les récupérer. On sonne le tocsin. La foule s'assemble. Les soldats se débandent
ou se rallient au petit peuple.
Le général Lecomte, qui commande l'une des brigades, est
fait prisonnier. Un autre général, Clément-Thomas, qui se promène sur les
boulevards, est arrêté à son tour par les émeutiers ; on lui reproche d'avoir
participé à la répression de juin 1848. À 17
heures, les deux hommes sont exécutés par la foule.
Des émeutes se produisent au même moment en d'autres quartiers de Paris.
Adolphe Thiers renonce à les réprimer. Peut-être juge-t-il l'entreprise trop
risquée avec 30.000 soldats à la fidélité incertaine face aux 150.000 hommes de
la garde nationale ? Il ordonne donc à l'armée et aux corps constitués d'évacuer
sur le champ la capitale. L'évacuation commence avant même le meurtre des
généraux Lecomte et Clément-Thomas. Elle est achevée le soir même.
Confusion
Abandonné par la République, Paris s'en remet à des militants jacobins
nostalgiques de la Grande Révolution (celle de 1789), à des
anarchistes, des socialistes et des utopistes. Pris de court par le vide du
pouvoir, ces militants au nombre d'une trentaine se réunissent dans la plus
grande confusion à l'Hôtel de ville.
Ils organisent des élections municipales le 26 mars mais la majorité des
Parisiens s'en désintéressent (229.000 votants sur 485000 inscrits). Il est vrai
que beaucoup de bourgeois n'ont pas attendu pour fuir la capitale.
La Commune est néanmoins
proclamée dans la foulée des élections le 28 mars 1871. Elle est représentée par
une assemblée de 79 élus et son nom fait référence à la Commune
insurrectionnelle qui mit bas à la royauté le 10 août
1792.
La capitale doit dès lors supporter un deuxième siège,
non par les Prussiens mais par l'armée française. Il s'achèvera dans la
tragédie, avec la Semaine Sanglante,
deux mois plus tard. La blessure, jamais cicatrisée, continue de séparer en
France la gauche de la droite.